J’ouvrai les yeux, réveillé par la sonnerie de mon téléphone. J’étais dans une chambre que je ne reconnaissais pas et pour cause, ce n’était pas la mienne. Ma main tâta les poches de mon jean qui se trouvait au sol avant d’en sortir mon portable et d’appuyer sur le bouton vert.

« Allô ? » murmurai-je.
« Monsieur Payne ? » demanda une voix haute perchée.
« Oui, c’est moi… Enfin Payne-Samuels pour être exact… » répondis-je de ma voix d’endormi.
« Nous vous appelons suite à votre candidature pour un poste au Baltimore Sun… Seriez-vous disponible pour un entretien disons… Aujourd’hui ? » déballa d’une traite la femme au bout du fil.
« Euh, oui je suppose que oui ! » affirmai-je tout en me levant du lit pour essayer de m’habiller.
« Très bien. Votre rendez-vous aura lieu à 14h, soit dans une heure. A plus tard monsieur Payne ! » chantonna-t-elle.
« SAMUELS ! Payne-Samuels ! » dis-je un peu trop fort.

Mais ça n’avait servi à rien, elle avait déjà raccroché. J’enfilai mon jean slim puis mon t-shirt blanc et enfin ma chemise à carreaux avant de me retourner et de voir que j’avais passé la nuit avec… Okay, ça n’a pas d’importance. J’avais l’habitude de ce que j’allais faire, mais je me sentais mal néanmoins. J’attrapai ma veste, l’enfilai et sortit de l’appartement. J’avais un mal de tête affreux et par conséquent, du mal à retrouver l’endroit où j’étais. Après un petit moment de flottement, je me dirigeai plus ou moins dans ce que je pensais être la bonne direction. Je trouvai un arrêt de bus et le tour était joué.

J’arrivai aux bureaux du Baltimore Sun avec quelques minutes d’avance, juste assez pour me refaire un semblant de beauté et essayer de lisser le plus possible ma chemise. Pour le coup, on peut dire que je suis allé à cet entretien au naturel. Par chance, j’ai fait bonne impression mais je dois cela uniquement à mon franc-parler et à mon CV plutôt diversifié.

Ça ne fait qu’une semaine que j’ai été embauché au Baltimore Sun et pourtant je m’y sens déjà comme un poisson dans l’eau. Mais ça, c’était avant que je ne vois Leigh…

→ Greyson, c’est mon unique petit-frère et je l’aime plus que tout au monde. Bien entendu, je ne lui dit jamais. Il manquerait plus qu’il me prenne pour un sentimental. Il sait que je l’aime ce petit imbécile, et pourtant, il a fait une belle connerie il y a deux ans. Il ne nous disait rien de sa vie en dehors de la maison. Rien sur les cours, rien sur ses amis, rien sur les filles. Alors que c’est principalement tout ce qu’il y a dans la tête d’un ado non ? Enfin, avec ma mère, on s’interrogeait sur sa vie, comme n’importe quel membre de la famille le ferait, mais il ne nous répondait que par des phrases courtes et qui semblaient positives. On n’a pas cherché à le forcer à nous parler. On ne voulait pas le brusquer, déjà qu’il avait toujours été très timide. Et puis, le patron du journal de ma ville m’a fait appeler dans son bureau. Je devais couvrir un fait divers à mon ancien lycée. J’y suis allé, à la fois excité et un peu inquiet. On m’emmena rapidement chez le proviseur qui me déballa le discours qu’il avait dû préparer en deux temps trois mouvements entre les allées et venues des pompiers dans la cour de son établissement. J’aurais dû être alerté par son air paniqué quand il me reconnut, mais je restai professionnel et l’écoutai attentivement. Je pris note. Une tentative de suicide par médicaments, comme beaucoup en ce moment. Avant de sortir de son bureau je lui demandai si je pouvais au moins avoir le nom de l’élève. « Greyson Payne-Samuels ». Je ne rêvais pas, il venait de prononcer le nom de mon frère.
J’ai passé toutes les nuits à l’hôpital avec lui, attendant qu’il se remette et qu’il me parle. Greyson ne parle plus beaucoup aujourd’hui, on l’a changé de lycée après avoir appris ce à quoi il faisait face tous les jours et je dois bien avouer que je me sens fautif de la réputation qu’il a hérité de mon passage. C’est de ma faute. J’aurais dû le mettre en garde, c’est ce qu’un grand frère est censé faire après tout non ?

→ Contrairement à beaucoup de jeunes, le lycée a été pour moi une des meilleures périodes de ma vie. Enfin, ça c’était quand je ne rentrais pas chez moi. Autant à l’école, c’était l’éclate, autant à la maison, c’était engueulade sur engueulade. Mon père trompait ma mère depuis qu’elle était tombée enceinte de mon petit frère et, malgré toutes les allusions que j’ai pu lui faire, elle ne s’en rendait compte que maintenant. J’avais seize ans, je rentrais au lycée, mais j’étais déjà populaire. Il y avait ce club de musique qui m’aidait beaucoup mais aussi l’équipe de football ainsi que le journal du lycée, dont je devins le rédacteur en chef durant ma dernière année. On ne dirait pas comme ça, mais j’étais le second quaterback. Alors oui, j’avais la côte à cette époque, surtout que mes résultats étaient loin d’être mauvais. L’élève américain par excellence ? Peut être bien. J’avais surtout rapidement compris les ficelles du monde et il me fallait cette bourse pour accéder à une université réputée de Baltimore. Et, contre toute attente, c’est par le journal que je l’ai eu.
Quand j’eu dix-huit ans, mon père demanda officiellement le divorce, je pris un travail dans un café-bar. Les indemnités qu’il nous versait ne suffisaient pas. Elle aussi enchaînait le plus de petits boulots possibles pour qu’on réussisse à garder notre mode de vie et surtout, pour que Greyson n’en pâtisse pas.
Et puis, il y eu Leonard Samuels. Un collègue soi-disant, de qui ma mère se rapprochait bien trop vite à mon goût. Je ne souhaitais que son bonheur, mais lorsqu’ils annoncèrent leur mariage un an plus tard, j’explosai de rage et m’enfuit de la maison pendant un mois. Je ne gardais contact qu’avec Greyson parce que je savais qu’il avait besoin de moi. Puis je suis revenu. Je suppose qu’il me fallait un peu de temps pour accepter tout cela, mais durant mon expédition, j’avais essayé de retrouver mon père, ce que j’avais fait, avant qu’il n’appelle la sécurité pour me faire jeter de sa villa de Miami. A côté de lui, Leonard était un saint.

→ La musique occupe une place plus qu’importante dans ma vie. Je joue de la guitare depuis que j’ai dix ans et j’ai intégré le club de musique de mon lycée. Ma mère aurait souhaité me voir faire le conservatoire ou toute autre institution prestigieuse pour me garantir un avenir sans faux pas, mais je n’aimais pas cette optique. Le danger est plus intéressant que la sécurité. A la sortie du lycée, j’ai continué à jouer, composant et me produisant dans des bars pendant mes études pour me faire un peu d’argent facile. Je suis également un grand fan des découvertes de nouveaux groupes et je parcours le web à la recherche des nouvelles sensations. J’ai pas mal de concerts à mon actif. Plus qu’on pourrait le croire !

→ Je suis un mangeur invétéré. Je suis aussi accro aux salles de gym et aux joggings matinaux ce qui fait que je ne prends pas un gramme en dépit de la quantité de nourriture que je suis capable d’ingérer. Je suis loin d’être compliqué, je mange de tout, n’importe où et à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.

→ Faire la liste de tous mes tatouages prendrait un temps considérable et ne serait que peu intéressant. Disons juste que j’ai été assez intelligent il y a quelques années pour choisir des endroits peu voyants comme mon épaule et ma jambe pour y faire tatouer quelques petites choses qui n’intéressent que moi. La musique, le surf, la famille… Tout y est représenté, plus ou moins équivoquement, mais tout y est !

→ Grâce à mon engagement assez important dans la vie de mon lycée, j’ai pu décrocher une bourse, sans laquelle je n’aurais jamais pu intégrer l’université de Baltimore. J’ai donc suivi des études de communication avec des options plus ou moins orientées vers la journalistique. A la sortie de l’université, j’ai effectué un stage au journal de ma ville d’origine. Les années universitaires sont souvent les meilleures de votre vie. Ou pas. Autant le lycée c’était très bien passé, autant l’université, ne fut pas une partie de plaisir. J’aime être entouré, j’aime connaître tous les gens de mon quartier. Se retrouver sur un campus de 10,000 personnes, c’était plus troublant. Alors oui, je me suis laissé embarquer dans des trucs pas très nets, des soirées plutôt trop alcoolisées avec des médicaments… Bref, ce n’est pas la période dont je suis le plus fier, mais heureusement je m’en suis sorti plutôt bien. Je n’ai pas fini majeur de ma promo, mais presque.

→ Je suis quelqu’un qui se pose difficilement… Enfin ça, c’était avant de trouver un job stable. Entre la fin de la fac et ce fameux boulot au Baltimore Sun, j’ai pas mal voyagé. Entre l’Europe et l’Asie principalement, mais dans les derniers jours, je suis passé par chaque état d’Amérique du Nord. Je ne vais pas me proclamer en héritier de Christopher McCandless, mais j’ai pas mal de tampons sur mon passeport dont je suis vraiment fier.